L’ART DE LA FAUCONNERIE

texte: Charles Morin
tel que publié dans: Harmonies d’… Oiseaux
(vol 1, no3) Août – Septembre 1997

Un article sur la fauconnerie, dans une revue d’ornithologie peut sembler paradoxal. Toutefois ces deux activités ont des points en communs. La fauconnerie par définition est l’art de chasser avec un oiseau de proie entraîné. L’oiseau de proie que l’on a conditionné pour la fauconnerie ne fera, dans les faits que ce qu’il fait dans la nature, c’est à dire chasser pour se nourrir. Il ne reproduit que ce qu’il est : un prédateur, au sommet de la chaîne alimentaire.

L’art de la fauconnerie célèbre ce lien précieux qui unit l’homme à l’animal. De toute évidence, le fauconnier n’est pas en quête d’une chasse giboyeuse mais, bien avant tout, il désire participer comme observateur privilégié. Il va sans dire que les succès de chasse sont nettement moindres comparativement à la chasse à l’arme à feu. Les gibiers convoités réussissent souvent à se défiler, tel que l’on peut le constater dans la nature. La fauconnerie est soumis à cette même loi de la sélection naturelle.

La fauconnerie moderne telle qu’elle est pratiquée en Amérique du Nord, est un savant mélange d’art et de science. Le fauconnier se doit de posséder certaines connaissances en ornithologie biologie aviaire aussi bien que des connaissances vétérinaires élémentaires ; le fauconnier s’inspire des techniques anciennes dans les principes d’affaitage ( dressage d’un oiseau de proie ), tout en empruntant les technologies actuelles pour optimiser sa pratique ( ex: télémétrie pour retracer des oiseaux fugueurs ). Mais la première qualité que partage le fauconnier moderne avec ses prédécesseurs est la passion des oiseaux de proie. Cependant cette qualité exige de ses adhérents une disponibilité, des infrastructures adaptées, qui bien évidemment, ne sont pas l’apanage d’un simple hobby. Au contraire du chasseur qui remise l’arme à feu en fin de saison de chasse, le fauconnier est responsable de son protégé durant l’année entière.

En d’autres termes, les fauconniers sont bien avant tout des ornithologues, qui ont orienté cette passion pour l’oiseau de proie dans une communion unique. Il n’est pas surprenant de constater que la communauté fauconnière regroupe souvent des ornithologues amateurs ou professionnels, biologistes, vétérinaires, ou gestionnaires de la faune.

L’oiseau de proie n’est donc pas un simple instrument utilisé par le fauconnier. Aux yeux de ce dernier, il s’agit plutôt d’un partenaire. Les deux partenaires de chasse forment une équipe et en sont unaniment liés ; il se tisse un lien mutualiste et fragile entre eux. Aucune forme de dominance ne peut intervenir dans leur but commun : la chasse. Parlez à un vrai fauconnier et vous pourrez constater que sa première qualité est le respect et l’affection qu’il porte à son ou ses oiseaux.

Ce n’est qu’a partir des années 60 que la précarité du Faucon Pèlerin fut décelée tout particulierement par la communauté fauconnière. Les connaissances et l’expertise des fauconniers en matière de reproduction en captivité ont permis des remises significatives d’individus en nature, qui aujourd’hui nous permettent de jouir de l’observation de merveilleux falconidés. Encore aujourd’hui, les fauconniers continuent à exercer leurs connaissances et participent bénévolement dans des domaines tels : la réhabilitation des oiseaux de proie, les programmes éducatifs, la reproduction en captivité et parfois même assurent la sécurité des passagers dans plusieurs aéroports ( ex: Aéroport de Dorval). Il a été démontré par toutes les agences habilités ( Wilson Ornithological Society, United States Federal Wildlife Service, Peregrine Fund, etc…) que la fauconnerie, telle que pratiquée actuellement, n’a pas d’impact sur les populations d’oiseaux de proie ainsi que sur le gibier chassé ; bien au contraire le sport de la fauconnerie comporte nombreux aspects positifs.

Depuis les 20 dernières années, la fauconnerie connait un regain d’intérêt en Amérique du nord. La majorité des juridictions canadiennes et américaines ont légalisé cette activité; le Québec reste parmi les seules juridictions à ne pas l’avoir légalisée en dépit des revendications à cet égard. Depuis sa formation en 1989, l’Association Québécoise des Fauconniers et Autoursiers (AQFA) revendique sa légalisation en respect d’une règlementation proposé au Ministère de l’Environnement et de la Faune (MEF). Soucieuse de son image et de la qualité des fauconniers Québécois qu’elle encadrera, l’AQFA recherche des partenaires en étant membre de la Fédération Québécoise de la Faune (FQF) et de la North American Falconers Association (NAFA) qui regroupe l’ensemble des associations nord-américaines. En effet de par son code d’éthique et ses affiliations, la pratique de la fauconnerie sera réalisée dans un contexte de respect des lois et réglements et pour le bien être des oiseaux de proie utilisés à cette fin.

Pour ceux qui voudrait en savoir davantage sur la philosophie qui sous-tend la fauconnerie, je vous recommande chaudement le livre “Rites d’automne” de Dan O’brien (collection 10/18, No 2360). Ce récit décrit parfaitement le Pèlerinage d’un fauconnier dans le contexte contemporaine en Amérique du nord.